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La Tribune : Crise agricole : la solution n'est pas toujours règlementaire, il faut plus de carotte et moins de bâton
La crise agricole que nous vivons en France est européenne, voire mondiale comme le démontre la protestation des agriculteurs en Inde. Elle trouve son origine dans une multitude de facteurs. Le premier d'entre eux : une conjoncture économique préoccupante.
Comme tous les entrepreneurs, les agriculteurs ressentent les conséquences des crises - Covid, inflation sur les prix de l'énergie causée par la guerre de Poutine - qui ont provoqué une augmentation des taux d'intérêt mettant une pression trop importante sur les crédits. Mais à la différence des autres entrepreneurs, les agriculteurs travaillent avec le vivant et par conséquent ils peuvent perdre en quelques heures une année entière de travail.
Impact du changement climatique
L'agriculture fait partie des secteurs les plus impactés par le changement climatique : sécheresse, gels tardifs, pluies diluviennes, vents violents de plus en plus fréquents, tellement que dans certains pays européens des compagnies d'assurance envisagent de quitter le secteur agricole, car celui-ci n'est plus rentable pour elles. C'est pourquoi opposer agriculture et environnement est un total non-sens.
Cette fragilisation du secteur agricole, très exposé aussi aux maladies et infections existantes et à venir, est inquiétante et il est primordial de réagir. Exception faite de quelques actions violentes, que nous devons toujours condamner, les manifestations des tracteurs, un peu partout en Europe, ont eu un grand mérite : celui de rappeler que l'agriculture sert à nous nourrir et qu'elle est un pilier stratégique de la Nation, de notre Union et de notre identité culturelle.
Rétribution juste des agriculteurs
Nous dévons entamer un travail de reconquête de notre souveraineté alimentaire, qui passe indéniablement par des investissements importants dans la transition verte et dans l'adaptation au changement climatique. Le numérique avec le numérique les data et l'intelligence artificielle, ainsi que la robotique et la génétique sont et vont de plus en plus être des outils indispensables pour permettre la résilience de notre secteur agroalimentaire. Le deuxième pilier de notre stratégie vers une souveraineté alimentaire européenne passe par une meilleure rémunération de nos agriculteurs à la hauteur de nos ambitions environnementales, la compétitivité de nos entreprises, l'attractivité de ce métier et donc le renouvellement générationnel.
La revalorisation des retraites agricoles, qui enfin ont atteint le smic, les lois Egalim en France et la volonté d'Emmanuel Macron d'européaniser ce dispositif afin d'avoir des prix de référence, des contrats et des négociations entre les parties plus équilibrées, tout comme l'intention de la Commission européenne de renforcer la lutte contre les pratiques déloyales au niveau européen. Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens.
Changement de mentalité
Mais la réponse ne peut pas être seulement réglementaire. Elle est sans doute premièrement d'ordre culturel, avec un besoin de reconnaissance du métier de l'agriculteur aujourd'hui souvent attaqué, pointé du doigt comme le pire pollueur, voire carrément traîné en justice par les « néo ruraux » qui ne souhaitent pas « subir » les bruits et les odeurs de la campagne. Deuxièmement, il est temps de se dire qu'il faut changer de méthode. Pendant ces cinq dernières années, nous avons vu trop de projets de loi européens, mal compris par les agriculteurs, rejetés ou transformés radicalement par le Parlement européen.
Invitée en tant que représentante du Parlement européen aux 100 ans du USDA (ministère de l'agriculture américaine), j'ai pu échanger avec les ministres américains de l'Agriculture, du développement durable, et des représentants du Congrès et tous ont mis en exergue les bénéfices d'une approche « bottom-up ».
Déployer des solutions portées par les agriculteurs permet de créer un écosystème efficace, porteur de solutions concrètes et d'atteindre les objectifs climatiques. La crise Covid a renforcé cette conviction vers une approche du terrain : qui a déjà fait beaucoup en matière de pratiques environnementales et qui est prêt à déployer des solutions efficaces.
Cette approche doit être primée et valorisée. Le crédit d'impôt est un outil qui peut être extrêmement efficace et rapide plutôt que la création de nouveaux fonds qui entrainent tout un lot de bureaucratie et de lourdeurs.
Simplification des procédures
Également, nous devons accélérer non seulement la recherche, mais aussi les autorisations des résultats de la recherche en simplifiant la vie de tout l'écosystème scientifique qui travaille sur le vivant. Par exemple, un biocontrôle pour la betterave, qui représente une alternative efficace aux néonicotinoïdes et qui existe aux États-Unis. Mais il n'est pas autorisé dans l'Union européenne.
Qu'attendons-nous ? Plus de carotte, moins de bâton, moins de normes, davantage de contrôles sur les marchandises importées provenant de pays tiers afin de ne pas importer une agriculture que nous ne voulons pas produire chez nous et plus de valorisation des projets vertueux. C'est la recette pour une transition vers une économie décarbonée, réalisée avec les agriculteurs et non pas contre ceux qui nous nourrissent.
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